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Grenoble, transect

Nicolas Tixier ainsi que l’équipe composée David Argoud, Suzel Balez, Jérémie Bancilhon, Laure Brayer, Cédric Pichat, Pascaline Thiollière nous font découvrir la richesse de Grenoble, Transect à la fois plateforme d’archivage photographique et filmique d’espaces publics grenoblois et outil pédagogique. A l’automne 2025, l’atelier pédagogique proposé aux étudiants en 1ère année d’architecture donnera à voir et entendre son 10ème regard sur la ville. Une belle façon d’annoncer cet anniversaire !

Parmi ses différents projets d’écriture, Georges Perec avait programmé au début des années 1970 une grande entreprise de description de douze espaces parisiens. Le projet a tenu sept ans sur les douze prévus, il avait pour titre provisoire Lieux ((Un ouvrage paru récemment donne à lire ces descriptions restées jusqu’à alors pour la plupart inédites : Georges Perec, Lieux, La Librairie du XXIe siècle – Le Seuil, 2022.)). De retour de ses visites, il mettait ses textes écrits in situ dans des enveloppes cachetées à la cire qu’il appelait des « espèces de bombes du temps » et qui ne devaient être ouvertes qu’en 1981. Il doublait chaque texte d’un second qu’il écrivait quelques jours après, où il notait de mémoire les éléments de sa visite. Il parlait de la jubilation à ouvrir ces enveloppes quand le moment viendrait. À ce travail, il associait trois objectifs comme autant de « mémoires » à saisir, trois temporalités potentiellement présentes dans cet ensemble fragmenté et ordonné de descriptions urbaines : 1/ le temps capté d’un lieu qui se transforme ; 2/ l’évolution de ses propres souvenirs sur ce lieu ; 3/ l’évolution de son écriture même.

Ce principe de description des ambiances urbaines reconduit année après année, nous l’avons mis en place pour la métropole grenobloise dans un cadre pédagogique. Grâce à l’apport d’un développeur Jérémie Bancilhon, nous avons mis au point une application en ligne, contributive et publique pour sa consultation : https://grenoble.transect.fr

Grenoble Transect
Figure 1 Transect

Ainsi chaque année depuis l’automne 2016, quelque 130 à 150 étudiant·es en 1re année à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble viennent documenter une ligne coupant littéralement la ville par son milieu, un transect. Le long de cette ligne de transect Nord-Sud de l’agglomération grenobloise, chaque étudiant·e tire au sort un carré de 50 x 50 mètres dans lequel un point précis est choisi d’où rendre compte du lieu et de ses pratiques par un récit de ses ambiances. Ce point d’observation peut être dans l’espace public, dans un espace intérieur, au niveau de la rue ou en en hauteur, etc. Tout dépend de l’ambiance que l’on veut décrire. La même contrainte de format est donnée à tout le monde : la production d’un texte de 2 000 signes maximum, la réalisation 3 photos légendées et d’une séquence vidéographique légendée de 30 secondes.

Détail d'un transect
Figure 2 Détails

La réalisation de ces séquences vidéographiques s’apparente à des miniatures urbaines si l’on reprend le beau terme du théoricien du cinéma et de la ville Siegfried Kracauer. Les consignes pour la réalisation de ces courtes vidéos sont simples : une durée de 30 secondes, un format horizontal de type 16/9, une résolution de 720p, avec une prise sonore. Seul le plan fixe est autorisé, pas de montage, pas de titrage, pas d’effet ajouté.

Au fil des années se mettent en place donc des archives littéraires, photographiques et vidéographiques de la ville dans ses ambiances au quotidien. L’application permet d’explorer année par année séparément chaque carré de cette traversée, ou de s’installer confortablement, de choisir une année de production et de cliquer sur Transect vidéo pour regarder les vidéos s’enchaîner les unes après les autres et faire ainsi une visite inédite de Grenoble, un immense travelling polyglotte. Elle permet aussi en activant le menu chronotopie, de regarder simultanément sur un même écran l’ensemble des vidéos d’un même carré.

Chronotopie
Figure 3 : Chronotopie

À la date d’aujourd’hui (2025), nous avons 9 années de descriptions pour quasi chacun des 150 carrés composant la traversée, ce qui représente à ce jour : 1 350 descriptions littéraires, 4 050 photographies et 1 350 séquences vidéo. Les descriptions, le long de ce transect, offrent un instrument de narration pour témoigner des ambiances urbaines et pour interroger leurs évolutions. L’ensemble est de plus un outil d’archivage d’un quotidien urbain relativement original et rare en particulier par le corpus filmique. Il oblige enfin à se poser la question du retour dans l’espace public de ces représentations et leurs liens potentiels avec la fabrique actuelle du territoire.

À l’instar de Georges Perec, nous pourrions nous poser alors trois questions pour analyser cet ensemble de descriptions :

  • 1/ le temps capté d’un lieu qui se transforme, ce qui évolue, ce qui se maintient, ce qui disparait, etc. ;
  • 2/ ce qui compose une ambiance urbaine à l’endroit précis d’un lieu, mais aussi à l’échelle des quartiers traversés ;
  • 3/ ce que compose le regard porté sur la ville par des jeunes étudiant.es (ils arrivent tout juste en école d’architecture, pour la plupart du lycée). Qu’est-ce qui retient leur attention, qu’est-ce qui motive leur description, etc.

Au-delà aussi de ces analyses et du partage de ce corpus multimédia géo-et-chrono localisé, il est tentant de se poser aussi la question de l’image suivante, de l’image à venir, à savoir celle de l’évolution demain de nos espaces urbains, de nos usages, tout autant que de l’évolution de nos regards.

Nicolas Tixier nicolas.tixier@grenoble.archi.fr.
En collaboration avec David Argoud, Suzel Balez, Jérémie Bancilhon, Laure Brayer, Cédric Pichat, Pascaline Thiollière

Françoise Acquier

Françoise Acquier

Chargée de ressources documentaires Equipe Cresson - UMR Ambiances Architectures Urbanités - Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Grenoble.

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OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Françoise Acquier (3 octobre 2025). Grenoble, transect. Le Cresson veille et recherche…. Consulté le 14 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/14ukr


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